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Publié le 02 décembre 2024

Le Plan de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine instaure de nouvelles règles d'urbanisme pour accompagner le développement du centre-ville et de la Doutre, à Angers, tout en protégeant l'architecture et les espaces paysagers.

Angers était l’une des dernières villes de plus de 150 000 habitants à ne pas être encadrée par un Plan de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine (PSMV). C’est désormais chose faite : le document fait loi depuis le 24 octobre dernier après validation du préfet de Maine-et-Loire. "Il est très complet et opérationnel", souligne Gabriel Turquet de Beauregard. L’architecte des bâtiments de France et le service Urbanisme et Logement d’Angers Loire Métropole ont élaboré ces nouvelles règles en étroite collaboration. Ce PSMV remplace le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi) sur les 206 hectares du centre-ville et du quartier de la Doutre. Son but : accompagner le développement de la cité angevine tout en protégeant son patrimoine architectural et paysager, public comme privé, grâce à des prescriptions détaillées.

Lutter contre les dark stores

Par exemple, le PSMV réglemente la taille des logements pour éviter la division excessive d’un bâtiment lorsqu’il est racheté par un promoteur. Ce dernier aura l’obligation de créer des appartements de tous gabarits. En effet, la multiplication des cloisons ou des pièces d’eau abîme fortement l’architecture. Le plan encadre également les façades, les enseignes ainsi que la nature des commerces pour conserver un dynamisme de centre ancien. "L’objectif est de lutter contre les dark stores, ces lieux de dépôt de marchandises à la façade noire et qui ne viennent pas animer la rue", explique Gabriel Turquet de Beauregard. Un volet important est dédié à la rénovation thermique du bâti ancien. Les préconisations en la matière s’appuient sur une étude précise d’une dizaine de typologies de matériaux, du pan de bois au béton armé. Désormais, tout projet de travaux, à l’intérieur comme à l’extérieur des 3 800 habitations recensées au sein du PSMV, doit être signalé au service de l’Urbanisme d'Angers Loire Métropole.

L'écologie au cœur du PSMV

"Le patrimoine est aussi naturel", souligne Roch Brancour, vice-président d’Angers Loire Métropole en charge de l’Urbanisme et du Logement. L’écologie est au cœur de ce document à travers la protection des espaces paysagers. Le PSMV limite, par exemple, la possibilité de construire sur ces espaces naturels pour préserver les fonctions d’origine du sol comme la bonne infiltration de l’eau. L’abattage d’un arbre protégé devra être déclaré ainsi que toute intervention dans un jardin ou une cour patrimoniale. La pleine terre et la végétalisation sont indispensables à l’épanouissement de la biodiversité en ville qui parvient à exister grâce à la possibilité de se déplacer de jardin en jardin. Elles sont aussi des maillons essentiels dans la lutte contre le réchauffement climatique en préservant la fraîcheur l’été. "Notre PSMV embrasse franchement les enjeux du XXIe siècle et pose les règles de la ville de demain", souligne Roch Brancour.

Rénover le bâti ancien sans le détériorer

La rénovation thermique des bâtiments traditionnels est un volet essentiel du Plan de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine. Les préconisations du document s’appuient sur une analyse approfondie qui prend en compte la grande diversité architecturale angevine, de l’époque médiévale jusqu’au XXe siècle. Son but ? Assurer l’amélioration du confort thermique et la réduction de la dépense énergétique d’une habitation ancienne grâce à des techniques et des matériaux qui préserveront les nombreuses qualités des vieilles pierres. Parmi elles, la bonne circulation de l’air et la gestion naturellement optimale de l’humidité ou de la chaleur.

De graves pathologies

"Sur les façades, il faut à tout prix éviter les mortiers qui imitent le tuffeau ou le ciment plaqué sur des enduits à la chaux. Ces revêtements industriels empêchent la maçonnerie ancienne de respirer et génèrent de graves pathologies dues à la rétention de l’humidité. Les extérieurs en ressortent très abîmés et leur réparation coûte bien plus chère que si la restauration avait été correctement menée dès le départ", rappelle Gabriel Turquet de Beauregard, architecte des bâtiments de France. Parmi les bons éléments, l’enduit chaux-chanvre protège contre l’humidité et permet une meilleure conservation des maçonneries. Le tuffeau est un climatiseur naturel qui se charge d’eau en hiver pour mieux la restituer en été par évaporation. Le plâtre diminue l’effet de paroi froide. Avant d'entamer des travaux, il est important de réaliser un diagnostic pour vérifier l'état de santé de son logement et éliminer d’éventuelles pathologies qui résulteraient de rénovations antérieures.

Les trésors découverts chez les Angevins

Le Plan de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine se base sur un inventaire réalisé entre 2020 et 2022 dans 1 400 habitations du centre historique d'Angers. Les architectes du cabinet Paume ont sillonné la ville à la recherche de trésors dans le but de les protéger. "Nous avons retrouvé les traces d’une ancienne auberge du XVIe siècle, rue Bressigny, un pavillon entier avec une arcade où passaient les chevaux", explique Guillaume Boué, architecte. Dans cette même rue, des maisons abritent des escaliers à vis, en pierre ou en bois, de l’époque médiévale ou encore des cheminées du XVIIe siècle. "Nous avons découvert des richesses en bon état, du Moyen-âge à l’entre deux-guerres, confie Guillaume Boué. C’est rare pour une ville de cette taille.”

Parmi les trouvailles : une impressionnante charpente du XIIIe siècle, des vestiges de grands manoirs médiévaux dans la Doutre, des cheminées de cuisine monumentales du XIVe siècle dans la cité, une pièce entière du XVIe siècle avec charpente et escalier d’époque dans une cour, des ruines d’un ancien couvent du XVIIIe siècle dans un jardin, sans oublier des mosaïques signées Odorico dans une maison. "La ville était très bien renseignée grâce à un inventaire de grande ampleur réalisé sur trente ans et résumé dans un livre*, souligne Guillaume Boué. Mais c’est grâce aux Angevins que nous avons pu faire émerger de nouvelles pépites. Ils nous ont ouvert leur porte, curieux de connaître ce qu’ils avaient chez eux."

* "Angers, formation de la ville et évolution de l’habitat", Olivier Biguet et Dominique Letellier-d’Espinose (Éditions 303, 2016).

Des fiches conseils pour rénover dans les règles de l’art

Angers Loire Métropole met à disposition des habitants des guides pédagogiques sur un certain nombre de sujets et de règles encadrés par le Plan de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine (PSMV). Ces fiches-conseils dispensent les bonnes pratiques pour celui qui souhaiterait, par exemple, se lancer dans la rénovation énergétique d’un bâtiment ancien, refaire la toiture ou la façade de sa maison à l’architecture traditionnelle.

Des recommandations existent aussi pour la réhabilitation des décors intérieurs – cheminée, boiseries, stucs et sols – ou pour restaurer son jardin. Le bon réflexe : pour toute habitation qui se situe dans le périmètre du PSMV, il est important de déclarer, auprès du service de l’urbanisme d’Angers Loire Métropole, les travaux que l’on envisage de mener, en intérieur comme en extérieur, même pour une restauration dite "à l’identique".

Pour déclarer ses travaux : pre-projet.angers(at)ville.angers.fr

Accéder aux fiches conseils

En chiffres

206

La superficie en hectares, dans le centre-ville d’Angers, du périmètre d’application du Plan de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine (PSMV). Il inclut la cité médiévale, la Doutre ou encore le quartier Saint-Joseph.

1 400

Le nombre d'immeubles, maisons, hôtels particuliers et monuments visités lors d’un inventaire qui a permis de révéler bon nombre de trésors.

1 053

Le nombre d'arbres remarquables par leur taille, leur âge ou leur essence, recensés dans le périmètre du PSMV.

"Le patrimoine n’est pas qu’une affaire d’experts et d’historiens"

Roch Brancour, vice-président chargé de l’Urbanisme et du Logement

Pourquoi adopter un Plan de sauvegarde et de mise en valeur du patrimoine (PSMV) ?
Ce genre d’outil de préservation du patrimoine existe dans une centaine de villes en France, parfois depuis des décennies. Angers était l’une des rares villes patrimoniales de cette taille à ne pas en bénéficier. C’était très attendu par toutes les associations qui défendent le patrimoine angevin.

Quels champs couvre-t-il ?
Notre PSMV a été élaboré dans une perspective qui est celle du XXIe siècle en prenant en compte le changement climatique, les problèmes de performance énergétique du bâti ancien, en incluant la préservation du végétal, l’importance de la perméabilité des sols. Il protège le patrimoine intérieur des immeubles, les décors historiques, les escaliers anciens, les fresques et les plafonds que l’on trouve chez les particuliers. Il répond aussi au défi de préserver la mixité en centre-ville en réglementant la taille des appartements quand un immeuble est racheté et divisé ou en faisant respecter un taux de logements sociaux.

Quelle est la philosophie de ce PSMV ?
Le patrimoine ne s’inscrit pas seulement dans le passé, il est aussi tourné vers le futur car nous avons la responsabilité de le transmettre. Le patrimoine d’Angers, ce n’est pas qu’une affaire d’experts et d’historiens. C’est l’affaire de tous. L’héritage que nous allons léguer comprend à la fois ce que nous avons créé et ce que nous avons préservé. Nous ne voulons pas tout figer et mettre la ville sous cloche. Le PSMV propose un équilibre entre préserver la continuité architecturale propre à Angers, qui perdure depuis des siècles, et contribuer à inventer de nouvelles structures qui s’intègrent, non pas en rupture, mais en harmonie avec ce qui a déjà été fait.