Découvrez le territoire avec
, Ouvre une nouvelle fenêtreCet outil numérique, cartographie 3D d'Angers Loire Métropole, simule avec précision la montée des eaux dans le territoire en se basant sur les prévisions de Vigicrues. Un atout pour mieux s'organiser et communiquer en temps de crise.
La cote de la crue du siècle – 6,66 m – est rentrée dans le logiciel du jumeau numérique et, en un seul coup d’œil sur un écran d’ordinateur, on mesure l’étendue de l’inondation de janvier 1995. L'eau se répand, engloutissant une portion de la ville d’Angers, une bonne partie des Ponts-de-Cé et de Briollay. Le jumeau numérique, créé en 2021 dans le cadre du programme Territoire intelligent, matérialise fidèlement en 3D toutes les communes d’Angers Loire Métropole. Il conserve les données des inondations passées et peut ainsi reproduire une crue antérieure pour en tirer des enseignements en termes de gestion de crise, d’urbanisme ou d’agencement, par exemple.
L'outil technologique est aussi capable d’anticiper de manière précise l’impact d’une inondation à venir. Trois stations de mesure réparties dans le territoire et les prévisions diffusées par Vigicrues 72 heurs à l’avance lui fournissent les informations nécessaires. Une fois la cote prévisionnelle inscrite dans le logiciel, la cartographie 3D signale sans délai et avec exactitude les habitations et les sites sensibles (écoles, centres de soins, campings…) susceptibles d’être sous l'eau. Elle indique également la profondeur de l’eau selon l’endroit. "On peut voir dans un quartier quelle maison sera touchée en premier et à quelle hauteur, de manière beaucoup plus précise qu'avec notre ancienne cartographie. Ce sont des renseignements importants pour prioriser les interventions et ne pas avoir à évacuer tout le monde en même temps", reconnaît Alain Rollet, directeur des services techniques des Ponts-de-Cé. "Le niveau de détails est tel qu’on est capable de visualiser jusqu’où arrive l’eau dans le jardin d’une propriété", renchérit Dominique Foulonneau, son homologue à Briollay.
Des interventions plus efficaces
Le jumeau numérique matérialise les routes coupées par la montée des eaux, les ponts inaccessibles, les trémies routières submergées. Autant d’informations à portée de main, sans avoir à se déplacer pour constater. "C’est un gain de temps non négligeable en situation de crise", souligne Dominique Foulonneau.
En conséquence, les décisions prises sont plus justes et les interventions plus efficaces. "On devrait pouvoir mieux répartir nos agents en fonction de ce que nous indique le jumeau numérique. S'il faut, par exemple, concentrer les forces sur l’élaboration des barrages ou plutôt les laisser au service de la population", explique Alain Rollet. Les communes pourront aussi communiquer plus rigoureusement, en temps et en heure, auprès de leurs habitants. "Le jumeau numérique nous donne un levier pour agir lors d'une inondation et ne plus seulement subir la crise comme en 1995", estime Constance Nebbula, vice-présidente d'Angers Loire Métrople en charge du Territoire intelligent.
Un après-midi d’avril 2024, la commune de Briollay est en alerte. L’eau monte à grande vitesse. Les routes sont coupées. Des habitants sont piégés dans leur maison. Un chenil a besoin d’être évacué en urgence. Une soixantaine de bénévoles et d’agents de la commune échange des informations par talkie-walkie… Pas de panique, ce scénario catastrophe n’est qu’un exercice organisé par le Syndicat mixte des Basses Vallées angevines et de la Romme. Il est piloté par une cellule d’anticipation basée à la mairie qui rassemble élus et équipes techniques, dont celle du jumeau numérique. Le but ? Se préparer au risque d’inondation.
"Le jumeau numérique permet de mesurer toute l’intensité de l’événement. Il suffit de rentrer une cote et de voir l’eau se répandre. Pour les nouveaux arrivants ou ceux trop jeunes pour se souvenir de 1995, cela leur permet de comprendre l’impact d’une crue d’envergure", estime Dominique Foulonneau, directeur des services techniques de la commune de Briollay. Lors de la simulation de crise, les agents briollaytains, guidés par les informations de la cartographie 3D, ont pu affiner leurs actions, travailler à se coordonner et à être parés au plus grand nombre d’éventualités. Ils ont réfléchi à la manière la plus efficace d’évacuer les maisons, les personnes handicapées ou les animaux. Cet entraînement, le premier dans l’agglomération à être réalisé avec le jumeau numérique, a aussi contribué à rassurer les habitants qui se sentent mieux préparés en cas d’inondation. Même au pire ? L’autre intérêt du logiciel est la possibilité de tester divers scénarios et d'en tirer des plans de crise. "Par exemple, si l'on a une crue de la Sarthe, de la Mayenne et du Loir en même temps et si l'on pousse les paramètres au maximum, que se passera-t-il à Briollay et que pourra-t-on faire ?", évoque Dominique Foulonneau.
Le jumeau numérique ressemble à un sandwich de données, une superposition de couches nécessaires pour modéliser le territoire en 3D et en dynamique. Pour collecter les éléments indispensables à sa création, un avion a survolé pendant trois mois les 29 communes d’Angers Loire Métropole. Avec, comme contraintes, que le ciel soit dégagé et le soleil au plus haut pour limiter les ombres portées. L’avion a emmagasiné quelque 50 téraoctets (50 000 gigaoctects, soit 50 disques durs) de photographies. Les clichés classiques, à plat, confèrent au jumeau un aspect réaliste. Ensuite, la technologie Lidar mesure la position des éléments grâce à un laser infrarouge.
Il en résulte des images composées d’une multitude de points qui donnent avec exactitude la taille d’un arbre, d’une maison ou la distance entre deux bâtiments. Enfin, les photos obliques matérialisent, par exemple, les façades ou les pentes de toit pour apporter de la texture. Ces couches superposées apportent une reproduction 3D fidèle du territoire.
Une armoire électrique contrôle entre 30 et 700 candélabres. Si l’une d’entre elles est submergée, tout un éventail de réverbères se retrouve hors-service, même ceux qui n’ont pas les pieds dans l’eau. Le jumeau numérique permet d’anticiper les points lumineux touchés lors d’une inondation et, en conséquence, de faciliter la communication auprès des services de police et des usagers. Puis, d’assurer la réparation au plus vite. Le jumeau numérique peut aussi amener à revoir l’implantation de ces armoires électriques. Ce fut le cas en 2022. Des armoires situées promenade de Reculée, à Angers, ont été déplacées après modélisation de la crue de 1995 sur le logiciel car elles seraient sous l’eau en cas de forte inondation. Celles-ci contrôlent 167 candélabres entre les ponts Confluences et Jean-Moulin.
Le nombre de stations de mesure de l’eau, situées aux Ponts-de-Cé, sur le pont de la Basse-Chaîne à Angers et, hors-agglomération, à Montjean-sur-Loire.
Une année a été nécessaire pour construire le jumeau numérique, dont six mois pour collecter les données et six mois pour les traiter.
Le nombre de téraoctets (50 000 gigaoctets, soit 50 disques durs) de photographies aériennes qui ont servi à créer le jumeau numérique.
Trois questions à Constance Nebbula, vice-présidente en charge du Territoire intelligent
Comment le jumeau numérique est-il utilisé aujourd’hui ?
Le jumeau numérique est un outil technologique préparé pour plusieurs cas d’usage spécifiques, notamment pour la gestion de crise comme les inondations ou dans le cadre d’événements culturels et sportifs. Par exemple, le déroulé du passage de la flamme olympique en 2024 a été organisé avec l’aide du jumeau numérique. Nous avons pu anticiper l’impact de la manifestation sur la voie publique, sur la circulation et réfléchir au déplacement de la foule pour rendre l’événement le plus fluide possible. C’était aussi le cas lors des Accroche-cœurs, en septembre.
Comment les différentes communes se sont-elles emparées de cet outil ?
Le jumeau numérique est une aide à la décision, en particulier dans le domaine de l’aménagement. Plusieurs communes de l’agglomération l’utilisent pour préparer des interventions de terrain ou pour étudier l’implantation d’une nouvelle infrastructure et mesurer son impact dans un quartier.
En quoi le jumeau numérique est-il un atout pour la collectivité ?
Une fois que la structure existe, on peut tout faire si l’on a les données. Leur acquisition et leur implémentation, c’est le nerf de la guerre. Le Territoire intelligent et le jumeau numérique modernisent en profondeur notre collectivité car ils nous obligent à transformer notre façon de traiter les données, à améliorer la manière de les partager entre les services, et à travailler à les rendre lisibles. Cette démarche change les métiers en profondeur au sein de la collectivité. Elle nous permet moderne et plus proche des réalités.