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Publié le 22 avril 2022

Le 11 octobre 2012, Thomson, alors exploité par Technicolor, était mis en liquidation judiciaire. Près de dix ans plus tard, le site est toujours vacant boulevard Gaston-Birgé. Le point sur la situation.

Bientôt dix ans que les machines se sont tues. Depuis, rien n’a changé ou si peu. Un temps pressentie pour l’assemblage des compteurs Linky par Enedis, la réindustrialisation du site Thomson n’a pas eu lieu. Résultat: 70000m2 de bâtiments abandonnés et un site de 13,5 ha en friche en plein cœur d’agglomération, boulevard Birgé à Angers.

Un espace immense qu’Angers Loire Métropole souhaite acquérir et requalifier, pour l’heure sans avancer de projet sur sa future destination. "Conformément à notre ligne de conduite, la zone commerciale voisine ne sera pas agrandie", précise toutefois le président d’Angers Loire Métropole et maire d’Angers, Christophe Béchu, qui ne cache pas son impatience de voir ce dossier se décanter. "Angers et son agglomération ont besoin de logements, et cette friche industrielle s’inscrit dans le périmètre qui englobe aussi les anciens bâtiments de l’AFPA de la Croix-Blanche", avance-t-il encore, mesuré.

6,5 millions d’euros provisionnés

Au centre du blocage qui oppose la communauté urbaine au liquidateur du terrain depuis toutes ces années: la présence de résidus de solvants et d’hydrocarbures dans une partie du sol et du sous-sol du site. Une nouvelle étude l’an dernier a révélé que cette pollution était finalement moins accablante que celle décrite dans un rapport en 2015.

Autre objet de discorde: le fait que le liquidateur se soit désintéressé des lieux et n’ait jamais rempli les obligations de nettoyer le terrain, ainsi que la Justice le lui a rappelé récemment.

Fin janvier, le "dossier Thomson" faisait en effet l’objet d’une décision du tribunal de Commerce de Nanterre (où est domicilié le liquidateur). "La reconnaissance de la responsabilité du liquidateur pour la dépollution est pour nous une victoire juridique et morale", commente Christophe Béchu. Dans cette décision, le tribunal demande au liquidateur de prendre en charge la remise en état du site industriel et de payer le montant de la taxe foncière, non acquittée ces dernières années. Le tribunal demande aussi à Angers Loire Métropole de s’acquitter de 3,2 millions d’euros au titre des pénalités de retard. Le liquidateur ayant fait appel de cette décision, le jugement a été mis en délibéré devant la cour d’appel de Versailles.

Attendu en mai, le jugement pourrait débloquer la situation et permettre à Angers Loire Métropole de devenir enfin propriétaire de la friche dépolluée. Pour faire face à cette dépense de 6,5 millions d’euros, les élus communautaires ont, en mars, donné leur accord unanime pour provisionner cette somme. Pour ce qui concerne les indemnités de retard, la collectivité les conteste fermement.

"La friche industrielle sera revendue à Alter, notre aménageur, auquel nous confierons toutes les études nécessaires et la maîtrise d’œuvre des travaux qui y seront entrepris. Il s’agit d’un travail très important qui impliquera aussi le réaménagement complet du boulevard Gaston-Birgé", conclut Christophe Béchu.

La belle histoire du téléviseur à Angers

Cette année-là, les étoiles s’alignent dans le ciel angevin. En 1955, la zone industrielle de la Croix-Blanche vient d’être créée par la Chambre de commerce et d’industrie, appuyée en cela par le préfet Jean Morin et par Jean Sauvage, député et premier adjoint au maire Victor Chatenay. Et la main-d’œuvre féminine, qui vient d’être licenciée par l’empire Bessonneau (filature et corderie), en déclin, est disponible en nombre. Ce contexte favorable séduit la Compagnie française de la société américaine Thomson-Houston (CFTH) qui décide d’y relocaliser son usine parisienne de production de téléviseurs. En 1957, l’usine démarre en fabriquant des électrophones, rasoirs électriques et transistors. Les premières télévisions noir et blanc (en attendant la couleur, en 1967) sortent de l’usine en avril 1958. En 1964, les 2300 salariés en produisent déjà 1400 par jour. Avec 2800 salariés, en 1971 l’usine est à son firmament.

550000 appareils en 1981

Les choses se gâtent à l’aube des années 80. La concurrence des pays en voie de développement joue à plein. Et, si Thomson agrandit ses bâtiments du boulevard Gaston-Birgé, ses effectifs fondent en même temps que la production s’automatise. En 1981, l’usine produit 550000 appareils par an, mais n’en exporte pas assez. Thomson reste malgré cela le second constructeur européen après Philips. Rares sont les Français d’alors à ne pas posséder un petit écran de marque Thomson, Brandt, Continental-Edison, Pathé-Marconi ou Téléavia. Des innovations du bureau d’études angevin, comme le décodeur Antiope, la TV haute définition à écran extra plat en 1987, ou encore l’écran 16/9e, permettent un retour aux bénéfices, mais rapidement cela ne suffit plus. En 1996, l’Etat recapitalise l’entreprise alors que Daewoo tente une approche pour la racheter. En 2003, l’accord avec les Chinois de TCL ne peut sauver la branche télévision, qui s’arrête en 2008. A Angers, une page se tourne. Le travail se concentre sur les décodeurs, mais en 2012, la liquidation judiciaire d’Angers Thomson (filiale de Technicolor) ne peut être évitée, laissant 350 salariés sur le carreau.