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Histoire de l'eau potable à Angers

(par Cyril Bagnaud, Angers Loire Métropole)

Quoi de plus banal que l'eau ? Ouvrir un robinet, prendre un bain ou arroser son jardin sont aujourd'hui des gestes qui font partie de nos habitudes. La distribution dans chaque maison d'une eau pure et abondante est désormais pour nous un droit et personne ne peut envisager que ce service soit remis en cause. Mais si pour la plupart d'entre nous ce confort est habituel, il n'en a pas toujours été ainsi et, dans un passé pas si lointain l'eau était considérée comme une denrée rare et convoitée.

Jusqu'au 19ème siècle, les angevins ne disposent pas de l'eau courante, pour les besoins en eau il faut aller à la fontaine publique avec des seaux ou des tonneaux. Il y en a trois en ville coté rive gauche de la Maine, et trois dans la Doutre. Il y a bien des puits, alimentés par des canaux souterrains, mais ils sont peu nombreux et sont souvent la propriété d'hôtels particuliers ou de communautés religieuses : un seul puits est public, celui situé près de la Préfecture.

Au début du 19ème siècle les industries commencent à se développer, la main d'œuvre afflue et la population augmente. On se soucie également plus d'hygiène et de salubrité publique : les besoins en eau explosent et le précieux liquide se fait moins abondant.

En 1833 et 1834, une sécheresse sévit en Anjou et les angevins souffrent du manque d'eau, certains doivent même aller s'approvisionner hors des murs de la ville ou filtrer l'eau de la Maine. Le choléra frappe durement la ville et tue près de 500 personnes entre 1832 et 1834. La municipalité se demande alors si les eaux des puits et des fontaines sont réellement potables. Elle crée en février 1835 une commission des Fontaines publiques qui a pour but de faire " toutes lumières possibles afin d'avoir différents avis sur le meilleur moyen à employer pour distribuer dans la ville les eaux dont elle manque ". Un premier rapport d'analyses indique que les eaux des fontaines " ont toutes une saveur particulière, […] elles contiennent une trop grande proportion de matières salines et d'acide carbonique […]. Elles sont propres à la cuisson des légumes, dissolvent mal le savon, elles peuvent parfois être trouvées pesantes à l'estomac […] et doivent être classées parmi les eaux dures, crues et peu potables ".

Bref Angers manque d'eau, en quantité et en qualité. N'est-ce pas un comble pour une ville située à la confluence de trois rivières et d'un fleuve ? La municipalité décide alors d'étudier la possibilité d'amener l'eau de la Maine ou de la Loire dans la ville. Mais quelle eau choisir ? Chaque rivière a ses partisans et ses détracteurs passionnés : des rapports très complexes d'éminents ingénieurs tentent d'éclairer les habitants et la municipalité sur la qualité de l'une ou l'autre, et sur les procédés techniques à mettre en place.

Deux méthodes sont envisagées pour amener l'eau. En 1836 un ingénieur propose de construire un canal allant de la Loire à Angers qui, selon lui, présenterait beaucoup d'avantages. Il permettrait d'amener l'eau dans tous les quartiers de la ville, d'irriguer les champs traversés, et grâce à la grande quantité d'eau amenée, d'élever l'eau dans les étages des maisons. De plus le canal pourrait être utilisé pour la navigation et améliorer ainsi l'approvisionnement de la ville.

Mais de nombreux conseillers municipaux répondent qu'il faudrait construire un pont pour enjamber l'Authion et de nombreuses écluses qui coûteraient cher, et ils doutent de la meilleure qualité de la Loire par rapport à la Maine.

Une solution plus modeste apparaît : on n'utiliserait pas de canal mais des machines à vapeur pour amener l'eau puisée aux Ponts-de-Cé. Un vaste puits serait creusé dans le terrain d'alluvion situé entre La Loire et l'Authion. L'eau serait ensuite refoulée dans des canalisations enterrées qui alimenteraient huit fontaines publiques.

Après avoir pris connaissance de tous ces projets, le Conseil municipal décide… de ne rien faire et d'attendre d'autres propositions.

Dix ans s'écoulent et en 1846 la municipalité décide de réagir : la population d'Angers a explosé et la ville compte maintenant près de 42 000 habitants. L'approvisionnement en eau devient problématique, même les années sans sécheresse. On confie à un ingénieur des Ponts-et-Chaussées, M. Cordier, le soin de faire un rapport comparatif des solutions à la Commission municipale chargée de l'eau.

Cette fois ça bouge ! Les travaux de l'ingénieur ont démontré que la meilleure solution était finalement de puiser l'eau de la Loire et de l'amener jusqu'à des châteaux d'eau situés en ville à l'aide de pompes à vapeur et de tuyaux. Il ne reste plus qu'à trouver un lieu pour capter l'eau. On sonde les rives du fleuve de La Daguenière à Sainte-Gemmes-sur-Loire et on trouve un banc de sable particulièrement pur sur l'île du château aux Ponts-de-Cé, île formée par deux bras de la Loire.

Le 23 décembre 1853 le Conseil municipal d'Angers adopte définitivement le projet et décide la création du Service municipal des fontaines publiques, ancêtre de la Direction de l'eau et de l'assainissement d'Angers Loire Métropole.

La ville d'Angers confie le soin de conduire les opérations à l'ingénieur Dupuit, au nom prédestiné. Celui-ci fait construire une usine et une galerie filtrante chargée d'amener une eau épurée à une puissante machine à vapeur de type Farcot d'une puissance de 40 chevaux.

Celle-ci est capable d'aspirer 45 litres d'eau à la seconde et d'acheminer l'eau jusqu'au cœur d'Angers. Pour alimenter la ville basse un réservoir de 2400 m3 est construit sur la place du Champ de Mars, sous la fontaine de l'actuel jardin du Mail.

Pour desservir la ville haute, deux réservoirs en tôles sont élevés rue de la Madeleine, près du pont enjambant la nouvelle voie de chemin de fer.

La distribution est prévue par le biais de 42 bornes-fontaines disséminées dans la ville qui fournissent gratuitement l'eau aux angevins. Les fontaines seront ouvertes deux heures par jour. Un système d'abonnement payant pour les gros consommateurs est également prévu, avec la livraison de l'eau dans des citernes privées.